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04/11/2022

C'est vraiment reparti

Depuis le mois de janvier, je n'entendais plus parler de complots, d'extraterrestres ou de manipulation de masse.

Le 5 août dernier, Trump réapparaît brièvement dans les propos de ma fille, à propos de l'échange téléphonique qu'il a eu avec le Secrétaire d'Etat de Géorgie, où il lui demande de façon extrêmement pressante de lui trouver 11780 voix. Quand on écoute la vidéo jusqu'au bout, on comprend que l'intention de Trump n'était pas de faire pression, bien au contraire, prétend-elle.

Comme je préfère ne pas répondre à ce genre de réflexion, ni même poser des questions qui alimenteraient une discussion stérile, les choses en restent là.

Le 13 octobre. elle m'appelle. Il ne s'agit pas d'un coup de fil "ordinaire" au cours duquel la conversation aurait dévié. Non, elle me téléphone spécifiquement pour me demander si j'ai entendu parler de cette responsable de Pfizer qui aurait "avoué" que le vaccin covid n'avait pas été testé quant à sa contagiosité avant sa mise sur le marché. Comme je ne suis pas au courant, elle m'explique qu'elle ne sait pas d'où provient le mensonge. De Pfizer même ou des gouvernements. Elle est tout excitée dans l'attente de l'éclatement de ce "scandale"... qui n'aura pas lieu.

Au cours de cet échange téléphonique, je m'étonne d'entendre à nouveau quelques-uns de ses autres anciens thèmes de prédilection revenir à la surface. Les extraterrestres, les astronautes américains qui n'auraient pas mis le pied sur la lune, et je ne sais plus quoi d'autre.

Je suis surprise, mais pas encore inquiète.

Le 13 octobre, elle m'envoie 2 vidéos. Je ne visionne que celle où la représentante de Pfizer "avoue". En fait, il ne s'agit pas du tout d'un aveu, vu que la chose était connue et n'a jamais été cachée. Je lui envoie un lien sur un site de fact checking. Ça la met en rage, mais elle ne me le dira que plus tard.

En attendant, elle m'enverra encore 2 autres vidéos au cours des 2 semaines suivantes. Toutes deux en rapport avec les vaccins. Elle précise que c'est à réfléchir, pas à débattre. Je lui exprime ma perplexité. Que suis-je sensée faire si elle ne veut pas débattre ? Elle me répond que finalement il vaut mieux en rester là car ça lui fait remonter trop de mauvais souvenirs.

Je n'en aurais plus reparlé si elle n'avait elle-même remis un doigt dans l'engrenage lorsque je me retrouve chez elle, dans une bonne ambiance de détente. Alors que je n'y avais fait aucune allusion, elle me dit, sourire en coin : "Ecoute-moi quand je parle de mes amours (fantasmées), pas quand je parle de complots.

- Ça, c'est difficile.
- Pourtant, je n'en parle plus.
- Tu m'en as parlé longuement, il y a peu, au téléphone et envoyé 3 vidéos en 2 semaines ! (En réalité, il y en avait 4)
- Ah oui, mais c'était une erreur, c'est fini tout ça.

On n'en parle donc plus, mais les jours suivants, je me demande : " Qu'est-ce qui est fini ? Regarder des vidéos complotistes ou m'en parler ? " Je finis par lui poser la question, par mail, précisant bien que je ne vais pas discuter du fond.

Elle me répond que le lien de fact checking que je lui ai transmis, c'est vraiment n'importe quoi, de la manipulation pure et qu'elle ne comprend pas que je ne puisse envisager l'énorme complot, la manipulation de masse qui est en cours. Elle en a la nausée au sens propre, physique, et elle a l'impression que ses ongles et ses dents poussent. Quelle image de colère impressionnante ! Elle rajoute, hors contexte, que "by the way", comme elle dit, Trump est le seul qui appelle à la négociation et à la paix dans ses discours pour le moment (en lien avec la guerre en Ukraine).

Voilà ! Qu'elle revienne à tout ça, en soi, ne me dérange pas. J'ai pris l'habitude de son manque d'esprit critique dans ce domaine. Je croyais pourtant que les choses avaient évolué dans sa tête. Je suis donc déçue. Je suis triste aussi. Mais ce que je crains surtout, ce sont les conséquences sur son moral, son mental ...

10/10/2022

Léon le retour II

Samedi après-midi, le téléphone sonne. Je ne connais pas le numéro. J'hésite à répondre car la veille encore j'avais eu affaire à une démarcheuse que j'avais remballée un peu sèchement au moment où je lui disais pour la 4ème fois que je n'étais pas intéressée par son catalogue, tout gratuit qu'il soit. Mon ton a dû lui faire comprendre que ça ne servait à rien d'insister.

Je décide de décrocher. À l'autre bout du fil, une voix rauque et lente de vieux.

- Je suis bien chez Quantique ?
- Oui.
- Je suis une vieille connaissance.
- Ah ?!
- Vous ne me reconnaissez pas ?
- Non, je ne vois pas.
- Léon.
- Ahhh ?!!

Léon est un ancien collègue qui travaillait dans mon service dans les années 80. Je n'avais aucune affinité avec lui, sans qu'il y ait eu pour autant de frictions quelconques entre nous. J'ai quitté cette institution fin 85.

En 1990, il me contacte par courrier adressé à l'administration communale de mon village, vu qu'à part la commune, il ne connaissait pas mon adresse (Léon le retour I). Il m'invitait à une soirée théâtrale. Bien que méfiante quant à ses intentions, je me disais que c'était une occasion de sortir un peu de chez moi. Séparée de mon mari depuis quelques mois, j'étais libre. Qu'est-ce que je risquais ? Peut-être que Léon cachait une personnalité attachante que je n'avais pas pris le temps de découvrir quand nous travaillions ensemble ...

Les comédiens se produisaient en plein air, dans le cadre magnifique des ruines de l'abbaye de Villers-la-Ville. Il n'y avait pas de sièges et nous étions assis sur un muret. Pendant la représentation, son genou toucha le mien que je retirai doucement. Il me frôla à nouveau et je m'éloignai encore. Je crois qu'ensuite je me suis déplacée de façon plus explicite. J'avais donc eu raison quant à ses arrière-pensées. Il m'expliqua par la suite qu'il ne comprenait pas les gens qui avaient besoin de préliminaires, de séduction, etc. Pour lui, on se touche et si l'autre répond, on y va franco. Il faisait ça dans les endroits confinés comme les ascenseurs et obtenait des résultats. Il s'étonna de ma réponse négative car il me considérait comme une femme ouverte et libre. Je lui répondis que ce n'était pas une raison pour me donner à "n'importe qui". Ce terme le choqua car il le prit de façon péjorative. Je le comprends. J'aurais dû dire "à tout le monde". Bref, la soirée était un peu gâchée pour moi. Et pour lui aussi j'imagine.

Plus tard, pour me prouver qu'il n'était pas "n'importe qui", il m'écrivit une lettre accompagnée de photos de lui en tenue d'Adam, la tête coupée, mais ... le dard dressé !!! Beaucoup n'auraient pas répondu, mais j'avais conscience de l'avoir blessé et je voulais m'en expliquer. Un organe fonctionnel ne me suffisait pas pour m'attirer. Les sentiments comptaient également. Il s'excusa et changea d'attitude. Mais je ne répondis plus à ses propositions de "rencontre".

En l'entendant au bout du fil avant-hier, je me suis méfiée, mais il se comporta normalement ou presque. Je ne savais pas trop quoi lui dire, du coup je pris des nouvelles de sa santé qui lui avait causé du souci. Il fit allusion à son comportement de l'époque, précisant qu'il avait évolué. Bien ! D'ailleurs, il était très évolué, ajouta-t-il. Ça me fit sourire. Au blanc suivant, j'exprimai mon étonnement à l'égard de cette reprise de contact après tout ce temps ! 32 ans ! Il me demanda si ça me faisait plaisir. Non, ça ne me réjouissait pas particulièrement, mais poliment, je lui répondis que ce qui me faisait plaisir (ce qui était vrai) c'est qu'il semblait serein. Il acquiesça et ne releva pas le fait que j'aie éludé sa vraie question.

À mon soulagement, il écourta la conversation car des gens arrivaient chez lui qu'il n'avait plus vus depuis 30 ans. À mon avis, il avait sorti un vieux carnet d'adresse et faisait le tour de ses anciennes connaissances pour mettre un peu de vie dans son existence tristounette d'hémiplégique.

Le lendemain matin, le voilà à nouveau au téléphone. Il s'excusait d'avoir dû abréger la veille et me rassura, il n'allait pas me téléphoner à tout bout de champs. Il n'aurait plus manqué que ça ! Il fit allusion à son attitude passée et me fit remarquer qu'il avait respecté mon refus. Il me demanda quand même en s'excusant, si j'étais en couple. Tiens tiens !

Je lui demandai comment il passait ses journées (il est en chaise roulante). Il m'expliqua alors qu'il lisait beaucoup. C'était pour conserver ses capacités intellectuelles. Il avait écrit des nouvelles et avait fait partie d'un club d'écriture. Il était passionné d'orthographe et de romans de guerre et de résistance. Il me parla de Jean Rostand qui était selon lui le frère d'Edmond Rostand. Après vérification, il s'avère que le premier est le fils du second et non le frère. Il se fait que j'avais lu assez récemment un livre du fils, je pouvais donc étaler ma culture et montrer ma super intelligence. LOL. Il se vanta encore de diverses manières et je me disais que je n'avais décidément pas d'affinités avec ce genre de personnage. Il pensait que j'étais moi-même très intelligente et que nous pouvions échanger sur des sujets intéressants. J'ai fini par invoquer la nécessité de m'occuper de la préparation du repas pour mettre fin à cet échange qui n'en finissait pas. Il me retint encore un peu malgré tout. Et en finale, il me proposa de m'adresser à lui si je me posais des questions. Ça me fit rire intérieurement. J'avais internet pour m'informer, ça me suffisait. Il se promettait de me retéléphoner de temps en temps. Aïe ! De temps en temps ? C'est vague. Et de toute façon, avais-je réellement envie de ça ? Je ne crois pas.

La question maintenant est la suivante : comment vais-je le lui dire, sans trop le blesser ?

06/09/2022

trois ans et quatre mois

Hier matin, on me téléphone de la maison de retraite. J'ai tout de suite pensé que c'était au sujet de Marcel. Mais il était aussi possible qu'on me demande de participer à une activité.

C'est la première hypothèse qui s'est avérée la bonne. Marcel était mort le matin même. Après s'être levé, il ne s'était pas senti bien. Ils l'ont aidé à se recoucher et il s'en est allé tranquillement, là où nous irons tous un jour.

Quelle chance il a eue de ne pas souffrir, de ne pas traîner sur terre dans des conditions difficiles. D'avoir gardé sa tête jusqu'au bout. Et même physiquement, il n'est pas passé par le stade chaise roulante et autre dépendance. Même si bien sûr tout ne fonctionnait plus de manière optimale. Sa vue surtout était devenue très faible. Je pense qu'il ne voyait plus que les contrastes. Ce qui lui permettait de se déplacer, en terrain connu uniquement, de sa chambre à la salle à manger ou au petit salon où il discutait avec les perruches. Ou encore jusqu'à l'ascenseur devant lequel il se postait jusqu'à ce que quelqu'un passe à qui il demandait de pousser pour lui sur le bouton de l'étage désiré. Ce qui lui permettait d'aller boire une bière à la cafette l'après-midi.

Jusqu'au bout, il a gardé sa dignité, le souci de sa présentation. Ainsi, il ne serait jamais allé manger en pantoufles ou non rasé. Et régulièrement, il me demandait si ses vêtements étaient propres. 

Il était de ceux qui sentent qu'ils vont partir. Il me l'avait dit au cours de mes 2 dernières visites. Mais comme il était de nature optimiste, il avait rajouté : "Mais il se pourrait aussi que ça aille mieux."  Sans conviction sans doute. Il a fini sa vie en douceur, à 95 ans, comme un cierge qui s'éteint, sans faire de bruit ...

Je suis allée le voir chaque semaine pendant trois ans et quatre mois. Sauf en période de covid bien sûr. Ça va me faire un vide ...