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26/11/2019

Inscription et émotion

Jusqu'en mai dernier, ma pupille ne m'avait donné aucun souci scolaire alarmant. Mais depuis, c'est le chaos ! En juin, elle était carrément en décrochage scolaire. Elle devait choisir une option professionnelle pour l'année scolaire suivante et peut-être une nouvelle école. Il serait trop fastidieux d'énumérer tous ses changements d'avis et les multiples raisons qu'elle a invoquées pour les justifier. En résumé, tout tournait autour du fait qu'elle ne voulait pas être dans une école sans au moins une de ses cousines. Alors qu'elle voulait faire coiffure, elle m'a laissé l'inscrire dans une école d'habillement parce que l'une de ses cousines s'y inscrivait également. C'est alors que j'ai compris où était sa priorité. La présence de la cousine d'abord, l'option ensuite. C'était le 9 octobre, un bon mois après la rentrée ! Elle y accuse déjà plusieurs absences injustifiées et un tas de retards. "C'est à cause du tram, madame." Malheureusement ladite cousine a changé de direction et bien sûr Yasmine veut faire de même. Je l'ai donc inscrite aujourd'hui dans la même école que 3 de ses cousines (!) Il s'agit d'enseignement en alternance : 2 jours d'école par semaine, 3 jours de stage, dans un salon de coiffure, ce qu'elle ne voulait absolument pas faire en septembre. Le lien qui l'unit à ses cousines est tellement important qu'elle a demandé à l'accompagnateur qui s'occupait de son inscription pourquoi elle ne pouvait pas être dans la même classe qu'elles. Il ne lui a pas caché que c'était mieux pour leur concentration à toutes et qu'elle devait savoir qu'elle bénéficiait déjà d'une faveur car en principe les classes étaient complètes. C'est d'ailleurs ce qui m'avait été annoncé au départ, avant que je plaide en sa faveur.

Depuis toutes ces histoires, je l'ai vue beaucoup plus souvent qu'auparavant et nos relations se sont enrichies. Sa timidité s'est envolée, elle me parle plus ouvertement et nous rions même ensemble. En allant faire faire des photos d'identité que l'école lui réclamait, elle m'a demandé tout à coup s'il y avait d'autres "élèves" dont je m'occupais. Je lui ai répondu qu'il y avait aussi un garçon avant. "Oui, je l'ai vu quand on était au CGRA (Commissariat Général aux Etrangers et Apatrides, qui octroie le statut de réfugié)" - "C'est ça. Mais à 18 ans, étant majeur, il n'a plus eu besoin de moi et je ne l'ai plus vu. Elle m'a dit : "Et moi, quand j'aurai 18 ans ?" - "Et bien, tu pourras décider pour toi-même et signer tout ce qu'il faut sans avoir besoin de personne d'autre. Elle hoche la tête brièvement puis ajoute : "Oui, mais moi je vous aime !" Vous auriez vu ma tête, mes aïeux ! "Oohhh ! Mais c'est gentil de me dire ça ! Moi aussi, je t'aime ! Mais, tu sais, on pourra toujours se voir. J'aimerais bien avoir de tes nouvelles. Mais seulement ce ne sera plus mon travail de m'occuper de toi." Elle sourit. Je souris. Je suis secouée !

Après la déclaration d'amour (tardive) de Jamal que je raconte dans ma note précédente, voilà celle de Yasmine qui m'émeut tout autant ! Ce qui est fort, c'est cette façon directe d'exprimer un sentiment subtil, qui est due à la mauvaise maîtrise de la langue. L'estime, l'affection, l'amitié, toutes ces nuances n'existent pas dans leur vocabulaire. Il faut donc utiliser les mots qu'on connaît. Pas de fioriture. Pas de louvoiement. "Je vous aime !" Point barre. :)

18/10/2019

Plaisir inattendu

Mercredi, je reçois un coup de fil d'une dame qui venait d'être désignée tutrice d'une jeune fille (mineure étrangère non accompagnée). Elle m'explique que le compagnon de cette jeune fille est le jeune Syrien dont je m'étais occupée jusqu'à ses 18 ans, Jamal ! Mon rôle avait alors pris fin, vu sa majorité. J'avais encore eu des nouvelles parce qu'il avait eu des problèmes pour obtenir le visa de sa famille qu'il voulait rapatrier en Belgique. Une association m'avait contactée à ce sujet. Plus tard, la police m'avait téléphoné parce qu'ils le recherchaient en tant que témoin et victime d'une rixe au couteau. Il avait été blessé sans trop de gravité. J'avais moi-même tenté d'avoir de ses nouvelles à son portable et par facebook, mais il ne m'avait pas répondu.

En début de semaine, avant ce coup de fil donc, j'en parlais justement à mon mari, disant que je ne saurais sans doute jamais si sa famille l'avait rejoint en Belgique, s'il était retourné au Liban où sa famille s'était réfugiée, ou s'il était resté seul en Belgique.

Et voilà que cette tutrice m'apporte tous ces renseignements sur un plateau d'argent ! Elle me raconte que l'amie de Jamal, dont elle est tutrice est enceinte (à 16 ans) et qu'en parlant de moi, il s'était enthousiasmé, qu'il voulait avoir mon numéro de portable car il ne l'avait plus et qu'il voulait me contacter ! Wouaw ! Ça faisait plaisir à entendre !

Cet après-midi, un coup de fil : "Bonjour madame." En entendant l'accent, je crois que c'est quelqu'un de la famille de ma pupille qui m'appelle. J'attends ce qu'il a à me dire. Mais vous l'aurez compris, c'est mon ex-pupille en personne que j'ai au bout du fil ! Il baragouine quelques phrases que je ne comprends qu'approximativement. Je lui réponds, mais il ne me comprend pas. Son français ne s'est pas beaucoup amélioré. Alors, à bout de vocabulaire, il me dit en parlant de lui-même :"Tu connais Jamal ?" Oui, je connais Jamal ! Il pousse un grand "Ahhhhh" de satisfaction. Entre toutes ses phrases chaotiques et les miennes dont le sens lui échappe pour la plupart, je comprends qu'il va se marier. Un moment donné, il me lance un "Je t'aime ! Tu es ma mama !" plein de fougue. Je ris. Il était plus réservé à l'époque où je l'ai pris en charge. Je dis que je suis contente d'avoir de ses nouvelles. Il ne comprend pas. Je dis que ça me fait plaisir. A-t-il compris ? Je ne sais pas. Mais un courant de sympathie passait au-delà des mots. C'était cool !

Autant je ne souffrais d'aucune déception majeure concernant l'ignorance où j'étais de la vie que menait maintenant Jamal, autant j'ai été surprise de l'émotion agréable que ce coup de fil a provoqué en moi. Je souris encore en y repensant ...

 

22/09/2019

J'ai besoin de le dire ...

Monsieur l'éducateur scolaire,

Tout d'abord, veuillez croire au fait que je n'avais pas l'intention de vous mettre en cause lors de mon entrevue récente avec le sous-directeur. C'est seulement suite à son incitation à me renseigner par moi-même plutôt que d'attendre de l'école qu'elle m'informe. En tant que tutrice, je pensais pouvoir bénéficier de ce droit, au même titre que les parents, mais monsieur B*** est d'un avis différent. Je lui ai donc exprimé les difficultés que cela représentait d'obtenir des infos quand on ne vit pas avec l'enfant dont on s'occupe. De fil en aiguille, j'en suis venue à parler, à titre d'exemple, de la liste des absences de G*** que je vous avais demandée à plusieurs reprises par mail et par téléphone sans les obtenir. Vous m'aviez alors invitée à me rendre à l'école pour un entretien, ce que j'ai fait. Quel ne fut pas mon étonnement que vous me demandiez pourquoi j'avais besoin de cette liste. La réponse était tellement évidente ! Poseriez-vous cette question à un parent qui s'inquiète et souhaite vérifier les présences de son enfant à l'école ? Finalement, vous m'avez crayonné une petite liste, vite fait. Cela vous a pris 2 minutes. Moi, j'ai fait 2 x 1h30 de déplacement + le temps d'attente + l'entrevue elle-même. Je pensais que vous aviez quelque chose à discuter, mais ce n'était visiblement pas le cas. Nous avons quand même parlé de G*** puisqu'on était là. Je ne m'explique toujours pas pourquoi vous ne m'avez pas envoyé ces dates par mail et au moment opportun. J'aurais pu tenter d'intervenir bien plus tôt pour faire comprendre à G*** l'intérêt qu'elle avait à ne pas prendre les cours à la légère. Quant à votre soi-disant innocence par rapport à ma plainte, n'en parlons pas. Si je n'ai pas insisté, c'est que je sentais bien que ça ne servirait à rien et que tout cela se passait devant G*** qui n'avait rien à voir avec l'histoire.

S'il y a une chose que je me reproche, moi, par rapport à G*** c'est bien de ne pas vous avoir harcelé avec davantage de pugnacité !

J'étais embêtée que monsieur Bar vous appelle pour que vous vous expliquiez car, prétendait-il, si vous étiez fautif, il comptait vous interpeller et éventuellement prendre des sanctions. Je suis rassurée, vous n'aurez pas de remontrances de sa part, vu qu'il n'a même pas capté qu'effectivement vous ne m'aviez pas répondu à la demande que je vous avais faite. Heureusement que ce monsieur n'est pas juge ! À moins que tout cela n'ait été qu'un effet de manche ?  Vous avez, quant à vous, bien noyé le poisson en prétendant m'avoir répondu.

Lors de cet échange à propos des mails restés sans réponse concrète - je ne parle pas de la réponse disant que vous n'aviez pas le temps en ce moment - je n'ai pas apprécié que vous m'attaquiez sur un tout autre sujet, celui de l'équivalence, pour lequel je vous aurais mis "des bâtons dans les roues". Quelle tentative manipulatoire de détourner le sujet ! Et quelle mauvaise foi ! Par mail, je vous avais expliqué ce qui me motivait et les démarches que j'avais faite. Vous m'aviez répondu que vous compreniez ma position et que vous transféreriez mon mail à votre hiérarchie. Ensuite, je n'ai plus entendu parler de rien. C'était donc de l'hypocrisie ?

Je remarque aussi que vous (Quand je dis "vous", je parle de l'école, je ne sais pas qui en particulier) n'avez jamais obtenu de réponses à vos lettres, même recommandées, ni à vos appels téléphoniques à l'oncle de G*** qui l'héberge. Pourtant vous avez réussi à obtenir, à force de harcèlement, le paiement de l'équivalence des diplômes, soit 51 €, somme jetée par les fenêtres vu qu'elle n'a pas fait d'études secondaires ailleurs qu'en Belgique. Il n'y avait aucune équivalence à obtenir. Vous étiez d'accord, mais il vous fallait le document parce que c'était la règle. Ce qui m'interpelle c'est que pour faire payer, vous êtes bien plus résolu que pour tenter de conscientiser l'oncle de G*** au sujet du manque de travail de sa nièce et de ses absences ! On voit où l'école met les priorités ! Personnellement, j'envisageais d'interpeller les autorités compétentes au sujet de cette aberration. De votre côté, vous avez préféré vous en tenir à la règle que vous avez vous-même jugée absurde. C'est votre choix ...

Je n'ai pas envoyé ce mail et je ne l'enverrai pas. En tout cas pas tel quel. J'avais juste envie de voir l'effet que ça me ferait de l'écrire sans me censurer ...