15/10/2016
Dans les bras d'un autre
Stressée à l'arrivée dans cet endroit fréquenté occasionnellement auparavant et qui laisse un souvenir désagréable de mains baladeuses sur le corps, de contrainte. Un sentiment de danger. Envie de fuite. Et puis, cet engourdissement progressif et ensuite, que s'est-il passé au juste ?
C'était bizarre ce sourire d'homme, ces mains d'hommes, cet état second. Ce n'était jamais arrivé jusqu'à présent. De quoi je parle là ? De Mika qui n'a pas encore tous ses esprits, mais qui remue lentement la queue à ma vue. Elle est dans les bras du véto, qui l'a endormie pour détartrer ses dents, couper ses ongles et vider ses glandes annales. Une petite chienne toute molle encore, qui marche comme une alcoolique avec sa petite langue qui dépasse un peu. Elle bavouille, un reste de sang sur les babines. Il lui a arraché une dent.
Mika aime venir sur les genoux, être caressée, gratouillée. Mais elle n'aime pas être prise dans les bras. Sauf quand elle se sent en danger. Sinon, quand je l'appelle pour la prendre, elle est partagée entre la perspective d'un câlin et je ne sais quel réticence envers cette "préhension". Je suis la seule à la prendre de temps en temps. C'est pour ça que c'était tellement bizarre de la voir dans les bras du véto.
15:39 | Lien permanent | Commentaires (12)
11/10/2016
J'ai pas le nombre de doigts qu'il faut
Bébichon a dessiné Mamy. C'est marrant parce qu'au départ, il avait fait son autoportrait. Puis il y a rajouté une véritable crinière et c'est devenu moi. C'est étonnant comme il faut peu de choses pour être transformé en quelqu'un d'autre ! ;) En fait, les enfants sont d'excellents caricaturistes. Ils voient les caractéristiques essentielles et les grossissent.
Je photographie le dessin et le mets comme profil sur ma page facebook. Les réactions fusent. "J'aime". "J'adore". "Tu es très jolie !" (C'est clair, vu que je suis vue avec les yeux du cœur !), "Je ne t'ai jamais vue avec une telle chevelure" (Voilà bien une remarque d'adulte !). Et la dernière futée qui regarde les détails : "eh bé.....il te manque un doigt ma pôv louloute !!" S'en suivent une question sur la nécessité d'avoir 10 doigts" et une petite réflexion psycho-philosophique sur la normalité.
C'est étrange tout de même. C'est un thème qui revient de façon récurrente sur le divan et qui finalement apparaît un peu partout dans ma vie. Comme lorsqu'on achète une nouvelle voiture. On n'avait pas remarqué auparavant qu'il y en avait déjà autant sur les routes. Par exemple. J'écoute un chroniqueur à la radio. Il a un débit particulier, une prononciation spéciale. La mélodie de ses phrases est inhabituelle. On dirait presque un humoriste qui joue un rôle caricatural. Je relève le nom du gars. Je vérifie sur internet. Bingo ! Il s'agit de Josef Schovanec. Il est autiste ! Est-il normal ? Handicapé ? Différent ? Il est surtout extrêmement intelligent, plein de bon sens et d'humanité et doté d’un humour ravageur. Et il parle de quoi ? De la stupidité de la norme ! Alors, c'est quoi ne pas être normal, être handicapé ou plus pudiquement, être différent ?
Symboliquement, il me manque un doigt, c'est vrai. Je suis d'une certaine façon handicapée. Mon gravier est envahi de façon récurrente par les mauvaises herbes. Ma table de salle à manger regorge de papiers et d'objets divers. Les orties se le disputent aux poireaux de mon potager. Je collectionne les boîtes en carton. Je commence 36 choses à la fois et ne termine pas la moitié. Ou alors, je tourne en rond, sans arriver à me décider de ce qui est prioritaire et je fini par ne rien faire ou presque tout en étant fatiguée de tous mes déplacements inutiles. Je ne connais pas mes tables de multiplication. Je me sens souvent étrange ou étrangère ...
Je ne peux pourtant pas me comparer à Joseph Schovanec qui a l'air plus bizarre que moi au premier abord (enfin je crois), mais qui est certainement moins handicapé. Au point qu'on se demande si ce ne sont pas les non-autistes qui ont un problème. N'empêche ! Je suis une humaine et si j'arrive à me servir pleinement de mes 9 doigts (c'est pas si mal 9 doigts), je suis un être plein de ressources que je n'ai pas encore toutes découvertes, malgré mon âge. Mais tout n'est pas perdu. J'ai encore du temps pour me découvrir, accepter pleinement ce doigt en moins. J'y travaille, en thérapie. Pour le moment, j'ai toujours autant de mauvaises herbes, de boîtes, de brol divers et des comportements incohérents, mais quelque part, je sens que ça bouge en moi. J'ai l'impression d'aller quelque part ...
20:34 | Lien permanent | Commentaires (14)
04/10/2016
Reconnaissance et progrès
Mes deux Syriens se sont vu reconnaître la qualité de réfugié !!! :)))
J'aime bien la formulation officielle "reconnaître la qualité de réfugié". On entend trop souvent parler d' "accorder le statut de réfugié" comme s'il s'agissait d'un cadeau et non d'une reconnaissance de fait.
Voilà une bonne chose d'accomplie. Il faut maintenant attendre 30 jours pour obtenir l'attestation de réfugié, vu qu'un recours peut toujours être introduit. Le grand va pouvoir déstresser, du moins dans ce domaine.
Après, il faut gérer le quotidien et notamment sa présence à l'école qui n'est pas évidente. Je communique avec lui par sms. Les premiers étaient écrits par l'un ou l'autre de ses copains. Certains sont presque exempts de fautes, d'autres sont rédigés dans un français plus approximatif, mais lisible. Cela doit dépendre du copain disponible à ce moment-là. Le dernier cependant m'a bien fait rire :
Oujjour duijevai Vai partition alieje ches lafamille heresy unease sine.
Je pense qu'il l'a écrit tout seul. En même temps que ça m'a amusée, ça m'a fait plaisir qu'il commence à se débrouiller, qu'il s'efforce de communiquer par ses propres moyens. Et de communiquer tout court d'ailleurs. Vu le contexte des messages précédents, j'ai pu lire ceci :
Aujourd'hui, je vais partir à Liège chez la famille ...
La suite je ne l'ai pas comprise. Il s'agit peut-être du nom de ces personnes. En effet, la fin ressemble à un prénom : Yassine.
08:11 | Lien permanent | Commentaires (8)