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15/08/2013

Un peu de stress bigoudis

J'arrive au salon de coiffure de la maison de retraite à 9 h tapante. Trois personnes attendent déjà de se faire coiffer. Je connais maintenant les produits, les ustensiles et l'endroit où l'on cache la clé des armoires. Mais je m'inquiète quand même de savoir si je vais me retrouver toute seule. J'installe le matériel et commence à m'occuper de la première personne. Je ne sais pas à quelle heure ma "collègue" est arrivée, mais j'ai eu le temps d'anticiper la galère qui m'attendrait si jamais elle n'avait pas pu venir. Je n'ai toutefois pas paniqué.

Elle arrive en s'excusant. Elle avait dû aller chez le médecin en urgence le matin même. Heureusement, elle est très efficace. Je crois bien qu'elle met la moitié moins de temps que moi. Et le travail avance bien.

Une des dames aura été étonnée de se retrouver coiffée de frais. Elle ne s'est rendu compte de rien. En effet, elle a dormi d'un bout à l'autre de la séance. Si ça tombe, elle ne se rend de toute façon plus compte de grand-chose.

C'est étonnant la variété de cheveux qu'il peut y avoir. Des fins, des raides, des touffus, des blancs, toutes les variétés de gris, mais aussi des presque pas blancs. Et parfois des ... absents par endroit.

Quant aux personnalités, elles se révèlent aussi à cette occasion. Ainsi, beaucoup ne demandent rien de spécial. Coiffure tout en arrière et basta. Mais certaines ont leurs petites préférences. L'une veut une ligne à gauche, mais pas trop bas. L'autre demande la ligne à droite. Une troisième me prend le peigne pour donner le mouvement qu'elle souhaite et faire descendre une mèche sur le front. Un froufrou, comme elle l'appelle en dialecte flamand. D'ailleurs ça lui va effectivement bien. Certaines montrent leur impatience quand elles doivent attendre. Il paraît que la centenaire essaye de resquiller. Elle vient, alors qu'elle n'est pas inscrite, trouve un prétexte pour demander n'importe quoi et essaie de se faire coiffer quand même. C'est étonnant comme elle a encore tous ses esprits. Alors qu'elle y voit à peine, elle dirige les opérations. Gentiment. Un peu plus comme ci ou comme ça, pas trop brosser, raser la nuque, etc. Je lui avais demandé si je ne l'avais pas piquée ou tiré ses cheveux. Elle m'avait répondu qu'elle n'avait absolument rien senti. Que j'étais très délicate. Ça fait plaisir ! Une seule aujourd'hui ne semblait pas satisfaite outre mesure. D'abord, elle trouvait que je n'avais pas suffisamment brossé. J'ai donc insisté sur le brossage. Ensuite, je lui demande si ça lui convient. Elle me répond plus ou moins affirmativement, mais son expression et un haussement d'épaules indique le contraire, l'air de dire qu'il faudra bien s'en contenter. C'est drôle parce que dès le premier abord, son caractère transparaît sur son visage et dans son attitude. On sent immédiatement qu'elle est plutôt grincheuse, sans toutefois être désagréable.

Tout à coup, l'autre bénévole me prévient qu'elle devra partir à 11h30 au plus tard, pour aller aider son fils qui est traiteur. Elle est embêtée par rapport à moi. Déjà qu'elle était arrivée en retard. Mais je ne stresse (presque) pas. Vu l'heure et le nombre encore présent, je me dis que ça ira. Et effectivement, quand elle est partie, j'étais occupée à la dernière mise en pli et il restait deux autres personnes sous le séchoir qui restaient à coiffer. Là, plus de raison de stresser. Même un peu de fierté d'être seule responsable.

Voilà une matinée bien remplie. J'aime bien être bénévole. On s'engage pour ce qu'on décide soi-même. On se sent apprécié par le personnel, puisque non rémunéré. On n'a pas la pression de la hiérarchie. On accepte ou on refuse les remplacements sans qu'on puisse nous le reprocher. J'aime bien aussi ce travail avec les personnes âgées. Bien sûr, ce que je vois est parfois plus triste que ce que je raconte aujourd'hui. J'en parlerai peut-être une autre fois ...

28/06/2013

Entrer en maison de retraite

Ma fille m'a demandé si je pensais parfois au moment où je devrais rentrer en maison de retraite et si ça m'inquiétait. Son père, en effet, en avait une peur bleue. Elle semblait étonnée par ma réponse. Oui, je trouverais ça dur, moi aussi. Ma mère disait qu'elle préfèrait mourir. Pour ma part, je n'irai pas jusque là.

Je pense que les gens ne se rendent pas toujours compte, quand ce n'est pas d'eux qu'il s'agit, de tout ce que cela implique. Il s'agit de quitter un cadre de vie familier, rassurant. De se séparer de la plupart des objets qui nous ont accompagné si longtemps. De quitter une maison, un jardin, un animal de compagnie parfois. Mais ce n'est pas tout. Cela implique aussi de ne plus avoir le choix de sa propre nourriture, de son café, de l'heure des repas, etc. Et quand on devient dépendant physiquement au point de ne plus pouvoir se déplacer seul, il faut attendre la disponibilité du personnel...

À la maison de retraite où je suis maintenant bénévole, il me semble que les gens sont assez satisfaits. Mais je crois que tous préfèreraient être "chez eux". Je trouve qu'on les traite de façon respectueuse. Je crois que le temps où on infantilisait les personnes âgées est révolu. Quoique cela doit encore arriver. Ainsi, j'ai entendu une jeune femme qui y travaille refuser à une dame en chaise roulante de la reconduire dans sa chambre. "Non, non, non, on ne peut pas ! Il faut rester ici !" Penaude, la dame n'a pas insisté. Plus tard, la responsable des activités (qui n'était pas là au moment de l'interdiction) a demandé à cette même dame si elle voulait partir. Elle lui a répondu : "Oh, il y a longtemps que je l'ai demandé". Des petites anecdotes de ce type montrent quand même les frustrations qu'on peut subir quand on ne peut plus se débrouiller seul. Je ne sais pas s'il y avait une raison pour interdire à cette dame de quitter le salon. Quand je serai un peu plus au courant de ce qui se passe, je me sentirai le droit d'intervenir, avec tact, bien sûr, si possible.

Il faut avoir atteint une grande sagesse pour entrer sereinement en maison de retraite. L'aurais-je si cela doit m'arriver un jour ?

06/06/2013

Pas de bricolage aujourd'hui. Tout le monde au jardin ...

Il fait beau ! On va conduire tous les résidents prendre l'air dans le jardin de la maison de retraite.

Maria, Louise, Jeanne, Louis ... J'ai du mal à me rappeler le nom des résidents. Il faut dire que je n'y vais qu'une fois par semaine et que ce ne sont pas toujours les mêmes que je rencontre. En plus, des Maria, Louise et Jeanne, il y en a par poignées. Alors cette fois, j'étais fière de montrer à Jenny que je me souvenais de son nom. Elle me regarde et me fait non de la tête. Ah bon, je me suis donc trompée ? J'étais sûre pourtant. Comment vous appelez-vous alors ? Elle me donne son nom de famille. Deux autres se tournent vers moi et me disent qu'elle se prénomme effectivement Jenny. L'une d'elle ajoute, sans trop s'embarasser si la Jenny en question l'entend : "Elle perd un peu la tête !" Il est vrai que la dernière fois, lorsqu'il était question de tricoter, Jenny s'y est mise et puis, au bout d'un temps, elle a tout défait, sans raison, comme une vie que l'on détricote ...

J'ai aussi retenu le nom de Pélagie car il est quand même un peu spécial. En plus, la dernière fois, elle m'avait paru bien éveillée, joyeuse et positive. Elle disait en riant que c'était un prénom de riche. Mais Pélagie aime les cancans. Elle baisse le ton pour me raconter d'un air de conspiratrice, que le mari d'une certaine résidente a une autre femme dans sa vie. Mais bien sûr, elle ne le lui révèlera pas car ça se retournerait contre elle. Elle essaie de me garder près d'elle. Mon écoute semble l'intéresser. Mais je lui explique que je vais aller chercher d'autres personnes pour qu'elles profitent aussi du jardin. De plus, Pélagie a ses humeurs. Elle s'assied à côté d'une autre dame et se met à lui parler. L'autre, ne réalisant pas qu'elle s'adresse à elle, ne lui répond pas. Pélagie insiste, puis se met à rouspéter. Elle ne supporte pas qu'on ne réponde pas à sa convivialité. L'autre finit par comprendre qu'elle est interpellée, se rend compte qu'on lui fait des reproches et rétorque. "Si tu n'es pas bien ici, tu n'as qu'à t'asseoir ailleurs !" Pélagie ronchonne. Ambiance ! ...

Je suggère de chanter. L'animatrice trouve que c'est une bonne idée et va chercher les livrets de chants. Louise connaît encore toutes les paroles et chante de bon cœur. Pourtant, quand la responsable lui demande comment elle a appris tous ces chants, elle se met à pleurer en évoquant certains souvenirs. L'animatrice la console gentiment et l'encourage à chanter encore, ce qu'elle fait.

Gaby chante aussi très bien les paroles. La justesse, en revanche, n'est pas au rendez-vous. Gaby n'a plus l'usage de ses jambes, mais la tête fonctionne encore bien et elle est moins sourde que la moyenne des résidents...

Louis est sympa. Il rigole. Il blague. Il sait ce qu'il veut. Et aussi ce qu'il ne veut pas. "Louis, tu veux t'asseoir près de nous ?" - "Non". "Louis, tu veux de l'eau ?" - "Non, l'eau c'est pour les poissons. Je voudrais un coca." Et puis Louis agace un peu les autres. Emerance notamment, ne supporte pas quand il parle fort ou qu'il tapote sa tablette. Elle hausse le ton : "Arrête !" Louis n'en a rien à faire. "Embêtant !" Louis ne s'offusque pas, mais continue de faire du bruit. Il faut le lui demander gentiment. Alors il sourit et s'arrête. Enfin, peut-être pas toujours ...

Jeanne tend les bras vers moi, comme pour me demander quelque chose. Je m'approche et lui demande ce qu'elle souhaite. Comme elle n'arrive pas à s'exprimer, je lui demande si elle se trouve bien là, si elle n'a pas trop chaud ou trop froid. Peut-être préfèrerait-elle être ailleurs ? Elle me regarde, l'air égaré. Ses réponses sont vagues et plutôt négatives. Comme elle a les mains tendues, je lui en prend une et elle ne me lâche plus. Elle agrippe même la deuxième. Je les lui laisse un long moment. De temps en temps, elle observe mes mains et les manipule comme si c'étaient des objets. Quand je fais mine de les retirer, elle me retient et dit que je ne peux pas partir. L'animatrice m'explique qu'il lui arrive d'être agitée et qu'effectivement un contact humain la calme. Je verrai par la suite qu'elle s'accroche aussi aux mains d'autres personnes. C'est triste et en même temps, c'est bon de voir qu'on peut apporter un petit rien de bien-être à certaines personnes ...