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16/02/2015

Bricolage pour la saint Valentin, bigoudis et autres ...

Mardi dernier, à la maison de retraite, création de tableaux décoratifs pour la Saint Valentin.

Louise s'applique, comme tout le monde. Un moment donné, je m'aperçois qu'il se passe quelque chose. Elle semble avoir un souci. La responsable lui parle gentiment, tente de la réconforter. Comme elle n'y parvient, elle la laisse un moment dans son état émotionnel perturbé, espérant qu'elle se reprenne toute seule. D'autres membres du personnel viennent lui parler, mais Louise a l'air très contrarié. On la laisse encore un peu dans sa chaise roulante, pour ne pas la brusquer. Finalement, une infirmière veut la reconduire dans sa chambre. Louise se fâche. Elle n'a pas de chambre ici ! Elle veut retourner chez elle, dans sa maison. Son mari l'attend. Ledit mari est décédé depuis belle lurette et ce n'est pas hier que Louise est arrivée dans la maison de retraite. Hier, Louise avait toute sa tête. Aujourd'hui, elle déraille. On me dira plus tard qu'elle peut déconnecter d'un jour à l'autre, d'un moment à l'autre et puis aller à nouveau mieux ... Pauvre Louise !

Mercredi, je fais un remplacement au salon de coiffure.

Une de mes clientes s'endort, fortement penchée en avant. Elles s'endorment souvent, mais leur tête reste généralement accessible. À plusieurs reprises, je la redresse. Elle ouvre à peine les yeux et sans un mot repique du nez illico. Pas facile de mettre des bigoudis sur une tête qui plonge en avant, quasiment sur les genoux. Comment vais-je la mettre sous le séchoir ? L'autre bénévole propose de la laisser en attente, mais je crains qu'elle ne tombe carrément de sa chaise. Une infirmière arrive et nous lui demandons de reconduire la personne à son étage. Les infirmières s'occuperont de la suite des opération.

Je ramène une résidente à sa section. Celle des personnes les plus atteintes mentalement. Dans la pièce commune, une autre résidente, Marie-Thérèse, se lamente. Me voyant, elle m'interpelle. Son regard est suppliant. Je l'écoute, mais ne comprend quasiment rien de ce qu'elle baragouine. Les seuls mots que je saisi et qui reviennent tout au long de son "discours" sont "je ne sais pas." Je comprends qu'elle est complètement perdue. La dame assise à côté d'elle me dit : "C'est triste !" Il y a quelques mois encore, Marie-Thérèse circulait et gênait beaucoup les autres en débarquant intempestivement dans leur chambre et en se mêlant de tout. Son tempérament donnait aussi du fil à retordre au personnel. Maintenant, la voilà coincée dans une chaise roulante, l'esprit chaviré. Je lui dis : "Ce n'est rien, tu peux rester ici tranquillement à regarder la télé. On viendra te chercher quand ce sera le moment." - "C'est vrai ?" - "Oui, ne t'inquiète pas, et quelqu'un viendra voir si tu n'as besoin de rien." - " Ah, bon, merci !" Elle se laisse aller contre le dossier de son fauteuil. Je m'en vais, contente d'avoir trouvé les mots qui la calme. Pour combien de temps, je ne me fais pas d'illusion. Arrivée au bout du couloir, qui fait 20 à 30 mètres, je l'entends qui recommence à appeler ... Pauvre Marie-Thérèse  !

Heureusement, il y a des choses plus agréables. Ainsi, en passant devant la cafétéria, j'entends de la musique. Des résidents assis en demi cercle pratiquent la "danse assise" dirigée par une animatrice. Il s'agit de mouvements lents, sur fond de musique. Certains participent parce qu'on les y encouragent, pour les faire bouger, mais d'autres aiment bien et se réjouissent de cette récréation. Au milieu, une dame dormait !

Il y a aussi quelques personnes qui blaguent ou qui sont tout simplement marrantes. Je pense à l'une d'entre elles. Une dame. Régulièrement, quand elle est là, il y a de l'ambiance ! Résidents, personnel salarié ou bénévole, visiteurs, tout le monde rigole !

04/12/2013

Stimuler, motiver, sans forcer

Depuis le début, je me pose des questions quant à la manière d'encourager les résidents de la maison de retraite à participer aux activités. Bien sûr, je suis d'accord qu'il faut tenter de les motiver, mais jusqu'à quel point ?

Un jour, lorsque je suis arrivée, madame Bricolage avait déjà été chercher une dame en chaise roulante. La personne demandait à retourner dans sa chambre, mais madame B. tentait de la retenir. Moralement j'entends puisque de toute façon, la dame était incapable de déplacer son fauteuil toute seule. À mon tour, je lui explique que d'autres personnes vont arriver. Elle sera en bonne compagnie et pourra regarder ce qui se fait. Ça pourrait être intéressant. Elle sourit et dit "oui, oui", mais quelques secondes plus tard, elle réitère son désir de retourner dans sa chambre. Au bout de 10 minutes, madame Bricolage m'autorise à la reconduire. Elle considère qu'elle a fait ce qu'elle a pu, mais que ça suffit. Je suis soulagée. Moi, je n'aime pas qu'on force les gens.

En chemin, je demande à un membre du personnel où se trouve la chambre de la dame qui elle-même n'en sait rien. Elle me répond qu'il faut la mettre dans le petit salon (où les gens sont parqués les uns à côté des autres devant la télé). Mais la dame s'y oppose avec véhémence. Elle criaille de sa petite voix aigrelette. J'insiste pour pouvoir la ramener dans sa chambre, mais on ne me laisse pas faire. Le fauteuil m'est enlevé et la dame est emmenée d'autorité dans le salon. En chemin, elle tend les bras vers le mur le plus proche et tente au passage de se retenir aux chambranles des portes, sans émouvoir le moins du monde la conductrice.

Ça fait mal au cœur ! Et je m'imagine un jour, moi qui aime être seule et qui déteste la télé qui marche constamment. Ça fait peur ! Ce qu'il faudrait, c'est crier jusqu'à obtention de ce que l'on veut et auquel on a droit, nom de nom !

À contrario, hier, j'invite un monsieur à venir bricoler. Il refuse catégoriquement. J'insiste en expliquant ce qu'on va faire. Il ne veut pas. Je le laisse donc et vais chercher d'autres personnes. Et que vois-je en revenant ? Le monsieur en question assis à la table de bricolage. À la fin de la séance, il exprime le plaisir qu'il a eu. Non seulement il s'est bien amusé en décorant un petit cadre en bois, mais en plus il a blagué avec les dames autour de lui et a mis une bonne ambiance. C'est alors que je l'interpelle en le taquinant à mon tour, d'un faux air de reproche : "Ah ben ça alors, avec moi vous ne vouliez pas venir et avec quelqu'un d'autre vous acceptez ?" - "Ah oui, c'est vrai !" - "Je m'en souviendrai, la prochaine fois ;o) !"

Comme quoi, c'est bien d'insister parfois. Et je dois apparemment apprendre à le faire mieux, sans tomber dans la tyrannie décrite plus haut. Madame responsable brico m'a dit qu'il fallait leur demander de venir "aider". Moi, ça me dérange de passer par ce subterfuge un rien manipulatoire, même si c'est pour la bonne cause. Car j'ai remarqué que certaines personnes se sentent alors obligées et se forcent. Je vais trouver ma manière à moi ...

23/08/2013

Promenade au bois

Toutes les personnes que nous avons emmenées en promenade jeudi sont capables de se déplacer seules ou à l'aide d'une tribune à roulettes (rollator), mais uniquement sur de courtes distances et en terrain plat. Des chaises roulantes étaient donc prévues pour chaque personne, ainsi qu'un(e) bénévole pour la pousser. Sauf pour François qui marche sans soucis et fait même encore du vélo. Malgré cela, il se dit en prison dans cet établissement.

En début de semaine, la météo avait prévu du beau temps. Mais le jeudi venu, le ciel s'était fait moins engageant. Personne ne semblait contrarié, sauf l'organisatrice qui aurait à improviser s'il se mettait à pleuvoir. Dès que nous sommes arrivés au bois, de fines gouttes se mirent à tomber. Pas grave ! L'idée était de toute façon de prendre quelque chose dans un établissement.

Je suis assise à côté de Marguerite qui est une personne attachante. Un peu désabusée, elle a souvent l'air rêveur et se gratte inconsciemment les bras. "Vieillir !!!' soupire-t-elle d'un air entendu. Mais elle peut aussi faire quelques pointes d'humour et raconte qu'avec ses 3 sœurs, elles se réunissent toutes les semaines et amènent à tour de rôle une bouteille de vin. Elle dit qu'on les entend rire jusqu'au bout de la rue. Puis elle reprend son air mélancolique. Ce qui est étonnant, quand on y pense, c'est que cette personne, je la connaissais de vue. Elle était souvent dans la rue, aux alentours de sa maison. Elle connaissait plein de gens à force de les regarder passer et de parler avec tout un chacun. Et puis son mari était coiffeur, ce qui facilite la circulation d'informations diverses. Puis un jour elle a disparu de la circulation, mais je ne m'en suis pas rendu compte. Si on m'avait dit à l'époque que je prendrais un jour un thé auprès de cette dame un peu pipelette pendant qu'elle se délecte d'une bonne bière fraîche !

Tout le monde est content. Sauf Hélène qui prétend que le café est exécrable. Elle n'en veut pas et déclare qu'elle déconseillera l'établissement à toutes ses connaissances. Son vis-à-vis, un grand taiseux qui sourit quand on lui sourit, le lui rachète gentiment. Je remarquerai par la suite que c'est ce même gentil monsieur qui la reconduira à sa chambre. J'apprendrai aussi que pour les repas quotidiens, il est aussi assis en face d'elle à table. L'humeur chagrine d'Hélène ne semble pas l'affecter. Ou alors c'est pareil chez les vieux ? Les hommes préfèrent les chieuses ? Car c'est bien de ça qu'il s'agit, je le constaterai après son départ, lorsque les autres se lâcheront en se plaignant d'elle parce qu'elle rouspète tout le temps.

J'avais bien remarqué qu'elle était la seule à ne pas vouloir faire la promenade quand il a commencé à pleuvoir, et aussi qu'elle s'agaçait, je ne sais pas pourquoi. Sachant qu'il y avait des capes prévues, tous les autres avaient pris l'arrivée de la pluie avec philosophie. Hélène s'est tout de même laissée convaincre à accompagner le groupe.

Le but était de faire un arrêt à la chapelle, d'y chanter, de passer aux toilettes et puis de retourner dans le bois, faire un pique-nique. J'ai été surprise de la justesse de ton des chanteuses et de leurs voix harmonieuses.

Hélène avait un besoin pressant, mais au vu de la pluie, elle ne voulait plus aller aux toilettes qui se trouvaient dans un bâtiment proche. "Oh là là, mais quelle affaire, ce temps, c'est pas possible ! Oh là là ! Je ne veux plus y aller !" Je la convainc pourtant en lui remontant sa capuche. Elle pousse des lamentations pendant les 50 mètres qui nous séparent des toilettes. Après, elle se dit quand même soulagée d'y être passée. Mais voilà que je constate que sa veste est souillée. "Oh là là, qu'est-ce que c'est que ça ? C'est pas possible ! Il va falloir la faire nettoyer ! Je l'ai depuis au moins 25 ans. C'est de la qualité, vous savez ! C'est la marque "X" (Je n'ai pas retenu) Ce n'est pas n'importe quoi ! Oh là là !" En fait, elle ne semble pas ennuyée, chagrinée ou déçue. Elle a l'air fâché, comme si quelqu'un était responsable. Elle cherche autour d'elle d'autres regards à convaincre, mais n'en trouve pas. Elle devra se contenter du mien qui ne s'apitoie peut-être pas assez à son goût. Elle bougonne encore à tout va et me signale au passage que son seul désir dans cette vie c'est de se coucher. Ça en dit long ...

Finalement il a tant plu que nous sommes retournés à la maison de retraite. Le pique-nique a eu lieu dans la cafétéria ...

C'est là que Célestine a révélé un aspect de sa personnalité que personne apparemment ne connaissait. Elle a bavardé avec entrain, de sa petite voix de sourde un peu criarde, alors que d'habitude elle ne dit quasi rien, ne participe à rien et passe son temps couchée. Encore une tiens ! Elle n'est pas contrariante elle, par contre. Quand on lui parle, elle hoche la tête et sourit, même si on voit bien qu'elle n'a pas compris. Pas drôle d'être sourde ! Quel isolement ! Et quelle angoisse parfois ! Ainsi, elle raconte qu'elle a eu peur dans le bois, parce qu'elle croyait qu'on était perdus !

Ce qui est touchant, ce sont les petites attentions que les résidents ont les uns envers les autres. Les liens qui se tissent. C'est ainsi que Maria, assise à côté de Célestine, se penche vers elle et traduit, avec des mots simples et clairs, accompagnés de gestes évocateurs, ce qui a échappé à cette dernière. J'ai vu aussi un autre jour, un monsieur au regard d'enfant venir plusieurs fois au salon de coiffure voir si une des dames était prête, afin de la ramener dans sa chambre. Et j'ai entendu dire qu'à l'étage des personnes les moins valides, où il faut un code pour sortir, se trouve un monsieur qui semble n'avoir aucun problème, ni physique ni mental. Il paraît qu'il est là à sa propre demande. Et je le vois toujours accompagner une certaine Paula, très gentille et encore bien de sa personne, mais qui se trouve dans la confusion la plus totale. Serait-ce la raison qui le motive à rester à cet étage ?