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14/03/2017

Petit geste qui m'a émue

À la maison de retraite, je me suis prise d'affection pour une dame de 84 ans qui est aveugle. De plus, elle entend mal et se déplace avec difficultés. Sa famille vient lui rendre visite le WE, mais en semaine, elle se sent très isolée et incapable de profiter des activités, exception faite de la musique ou des après-midi crêpes, gaufres ou glaces. Je vais la voir une fois par semaine ou au moins tous les quinze jours. Elle est toujours très contente et parfois elle insiste pour que je reste encore un peu.

Elle parle de sa santé, mais surtout de ses chagrins et frustrations. Je suis intervenue par 2 fois pour qu'on pense à se présenter quand on entre dans sa chambre et qu'on lui dise ce qu'on vient y faire, comme reprendre une tasse par exemple. Une fois par le biais d'un formulaire de réclamations/suggestions, une autre fois via l'assistante sociale. Certains membres du personnel le font, d'autres non. C'est une des choses dont elle se plaignait beaucoup au début que je lui rendais visite. Je crois que le personnel n'est pas de mauvaise volonté, mais ne prend pas la mesure de ce que cela représente pour une résidente aveugle. Un moment donné, elle m'avait dit que ce n'était pas encore parfait, mais que ça allait mieux. Lors de mes dernières visites, elle n'en a plus parlé.

La dernière fois que je l'ai vue, j'avais posé ma main sur l'accoudoir de son fauteuil. Elle l'avait senti et avait pris ma main dans la sienne. De l'autre main, tout en bavardant, elle tripotait machinalement mon petit doigt. Cela a duré tout un temps. Ça m'avait touchée et j'ai eu envie de le raconter ici. Voilà, c'est fait !

17/06/2015

Émotions douces

Hier midi, avant d'aller à la maison de retraite, je vais faire une promenade avec les chiens. À deux pas de chez moi, un homme est couché dans un champs, près d'une palissade, à un bon mètre du trottoir. En ville cela semblerait presque normal, aussi triste cela soit-il. Je serais passée sans m'arrêter. Il aurait pu être mort que je ne m'en serais pas aperçue. Mais à la campagne, ce n'est pas le cas. Il semble dormir, le bras replié sous la tête. Surprise, je m'approche et l'appelle. Il ouvre péniblement les yeux. Je l'interroge. "Vous avez un problème ? Vous êtes malade ? Voulez-vous que j'appelle de l'aide ? Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ? Voulez-vous que je vous accompagne quelque part ?" Il répond par la négative à toutes mes questions. Peut-être a-t-il trop bu, mais je ne lui demande pas. Il se relève un peu, à moitié assis. Ne sachant que faire, je lui dis alors que je m'inquiète pour lui. Il me remercie. Je lui demande où il habite. Il me désigne une maison dans un chemin au bout du champs et me dit que ça va aller. Je le quitte en lui disant que je repasserai après ma promenade. Je m'engage dans la ruelle qu'il m'a désignée et me retourne quelquefois. Je constate qu'il s'est levé et qu'au bout d'un temps il se dirige effectivement vers la maison qu'il m'a désignée.

Je suis contente d'habiter à la campagne où on se sent plus solidaires les uns des autres. Je fais peut-être encore ma sauveuse, mais je crois ne pas être allée trop loin et avoir respecté ce monsieur.

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À la maison de retraite, c'est le jour des chansons. Une fois par mois, un groupe musical (accordéon,  violon, guitare, mandoline et voix) vient égayer les résidents avec des chansons populaires. Des livrets sont distribués pour permettre à ceux qui le peuvent de lire les paroles et de chanter. Paulette avait l'air morose quand je suis allée la chercher. Elle n'avait pas envie de venir. Encouragée, elle se lève et suit le mouvement général, accompagnée par son camarade qui la protège et la dirige car elle n'est plus capable de le faire toute seule. Quand la musique commence, son visage se métamorphose. Elle sourit, chante, se dandine, rayonne. C'est incroyable ! Et en moi monte une douce émotion mélancolique en voyant tous ces gens dont beaucoup ne sont souvent pas au comble de la joie, mais éprouvent quand même encore de bons moments.

Marité , je l'ai amenée dans sa chaise roulante sans qu'elle ne bronche. Elle est restée calme longtemps, mais tout à coup, elle se met à se lamenter, ce qui est très souvent le cas. Je m'approche d'elle, lui prend une main qu'elle a glaciale. Je lui demande ce qui ne va pas. Elle ne me répond pas et continue à geindre sans vraiment me regarder. je l'éloigne du groupe pour qu'elle ne dérange pas, mais surtout pour pouvoir mieux l'approcher. Je lui réchauffe les mains avec les miennes. J'ai vu une vidéo où l'on explique que pour créer un contact, il faut se mettre bien en face des gens atteints de confusion mentale, juste au milieu de leur champs de vision. J'applique donc la tactique. Elle me regarde maintenant, mais ne me répond pas. Je me mets à chanter doucement en lui souriant. Je n'obtiens pas de sourire en retour, mais elle se calme quand même.

Ginette est une petite marrante. Quand je vais la chercher, elle est assoupie. Je lui touche légèrement le bras pour lui dire que je vais l'emmener. Elle ouvre les yeux et me sourit : "Ah, c'est toi ! (je ne pense pas qu'elle me reconnaisse) J'étais justement en train de rêver de toi !" Je pousse son fauteuil roulant vers le corridor. Elle lance joyeusement : "Et voilà ! On est partis ! Tûûût tûûût ! Tu es un ange !" C'est elle qui est un ange ! Au début de la séance, elle chante et tend le bras en l'air, comme en signe de victoire. Puis elle s'endort à nouveau. Je la réveille un peu pour qu'elle profite. Elle me saisit la main, la garde et l'embrasse à plusieurs reprises. J'en suis toute émue.

Adrien a posé sa main sur celle de Juliette. Adrien est le plus gentil des hommes. Toujours de bonne humeur. Toujours le mot pour rire. Sans aucune malice. Il ne se plaint de rien, au contraire. Il dit qu'il ne pourrait pas être mieux. Et s'il ne veut pas venir chanter aujourd'hui, c'est parce qu'il veut rester près de Georgette qui est dans la confusion totale. Une infirmière leur parle patiemment et les convainc d'aller au spectacle. Adrien soutient Georgette qui se laisse guider.

Adrien chante avec tant d'ardeur qu'il me vient l'idée de lui passer le micro. Ma "collègue" se dépêche de m'en trouver un. Un petit signe d'approbation de l'animatrice et j'approche le micro de la bouche d'Adrien. Il est un peu surpris mais continue consciencieusement à chanter de sa voix juste et grave. Il perd quand même un peu le fil des paroles. Une larme coule sur sa joue. Un peu d'émotion, un peu de stress, mais il continue vaillamment et sourit. Je passe ensuite à d'autres personnes. Certaines jouent le jeu timidement. L'une d'elle au contraire chante bien fort dans le micro en riant. Plus tard, elle demandera même à chanter à nouveau et nous livrera une version comique d'une chanson populaire classique, ce qui amuse la galerie.

L'animatrice est enchantée de mon initiative. Elle me félicite. Et moi, qui suis rarement fière, là, je le suis  vraiment. Je me demande même comment j'ai pensé à ça !

20/05/2015

Les amitiés à la maison de retraite

Au premier étage, dans le petit salon, il y a toujours trois dames en chaise roulante dont on ne les sort que pour aller aux toilettes ou au lit. Elles sont toujours assises côte à côte devant la télé. Rosalie et Gigi sont même inséparables. Si les chaises ne sont pas collées l'une à l'autre, Gigi demande à ce qu'on les rapproche. Elle veut pouvoir toucher son amie. Si l'une participe à une activité, l'autre la suit systématiquement. Parfois, elles se tiennent par la main. Je crois que c'est surtout parce que, au propre comme au figuré, l'une réchauffe l'autre qui a toujours froid. La troisième, Léandra, n'était plus présente depuis quelque temps. Je demande donc des nouvelles. Gigi me dit qu'elle est malade, qu'elle est allée la voir la veille et qu'elle a eu un mauvais pressentiment. Peu de temps après, en allant chercher les personnes qui désirent participer à l'atelier créatif, j'aperçois Léandra couchée dans son lit, les yeux grands ouverts. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais je m'arrête quand même. Elle est installée sur le côté, un coussin derrière elle pour l'empêcher de basculer sur le dos, comme on fait pour les nourrissons. Elle me sourit et tend vaguement la main que je lui prends. Sa petite tête ronde, ses yeux ronds, ses cheveux tout aplatis, elle semble toute petite. On dirait un vieux bébé. Je lui demande comment elle va. Elle me dit bien. "Tu as tout ce qu'il te faut ?" - "Oui". Elle a l'air tranquille. La semaine suivante, la chambre est occupée par une autre personne et la photo de Léandra trône sur le comptoir à l'accueil ... à côté du faire-part ...

Il y a un autre duo que je trouve très touchant. Marie est toute courbée et pousse la chaise roulante de Héléna. Chaque après-midi, elles vont boire un verre de vin blanc à la cafétéria. Un jour c'est l'une qui paie, le jour suivant c'est l'autre. Héléna a l'air méfiant. Marie en revanche est toujours tout sourire. Elle m'explique qu'elle a été hospitalisée pour une méchante grippe qui a duré longtemps. Elle a été soutenue par tout un tas de résidents qui sont venus la voir à son retour. Elle est fière de la sympathie qui l'a entourée et de sa propre volonté de s'en sortir. Elle a l'air presque plus en forme qu'avant. Peut-être parce que son dentier ne voyage plus dans sa bouche quand elle parle ...

Le troisième duo loge à l'étage où il faut un code pour sortir. Wilfried a toute sa tête et guère de problèmes physiques. Sauf que, suite à un accident vasculaire, il a perdu une grande partie de sa mémoire ancienne et que son sens de l'orientation est mal en point. Il s'est lié d'amitié avec Paulette, une dame très gentille et très gaie qui est atteinte d'alzheimer. Physiquement, elle n'a pas non plus de problèmes. Elle adore danser et chanter. Wilfried l'accompagne et fait preuve de beaucoup d'attention à son égard. Quand elle est perdue dans sa tête, il la remet discrètement sur la bonne voie, avec tact, sans lui faire ressentir ses déficiences. Il blague et la taquine aussi beaucoup. Rire, c'est la vie aussi ...