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10/10/2022

Léon le retour II

Samedi après-midi, le téléphone sonne. Je ne connais pas le numéro. J'hésite à répondre car la veille encore j'avais eu affaire à une démarcheuse que j'avais remballée un peu sèchement au moment où je lui disais pour la 4ème fois que je n'étais pas intéressée par son catalogue, tout gratuit qu'il soit. Mon ton a dû lui faire comprendre que ça ne servait à rien d'insister.

Je décide de décrocher. À l'autre bout du fil, une voix rauque et lente de vieux.

- Je suis bien chez Quantique ?
- Oui.
- Je suis une vieille connaissance.
- Ah ?!
- Vous ne me reconnaissez pas ?
- Non, je ne vois pas.
- Léon.
- Ahhh ?!!

Léon est un ancien collègue qui travaillait dans mon service dans les années 80. Je n'avais aucune affinité avec lui, sans qu'il y ait eu pour autant de frictions quelconques entre nous. J'ai quitté cette institution fin 85.

En 1990, il me contacte par courrier adressé à l'administration communale de mon village, vu qu'à part la commune, il ne connaissait pas mon adresse (Léon le retour I). Il m'invitait à une soirée théâtrale. Bien que méfiante quant à ses intentions, je me disais que c'était une occasion de sortir un peu de chez moi. Séparée de mon mari depuis quelques mois, j'étais libre. Qu'est-ce que je risquais ? Peut-être que Léon cachait une personnalité attachante que je n'avais pas pris le temps de découvrir quand nous travaillions ensemble ...

Les comédiens se produisaient en plein air, dans le cadre magnifique des ruines de l'abbaye de Villers-la-Ville. Il n'y avait pas de sièges et nous étions assis sur un muret. Pendant la représentation, son genou toucha le mien que je retirai doucement. Il me frôla à nouveau et je m'éloignai encore. Je crois qu'ensuite je me suis déplacée de façon plus explicite. J'avais donc eu raison quant à ses arrière-pensées. Il m'expliqua par la suite qu'il ne comprenait pas les gens qui avaient besoin de préliminaires, de séduction, etc. Pour lui, on se touche et si l'autre répond, on y va franco. Il faisait ça dans les endroits confinés comme les ascenseurs et obtenait des résultats. Il s'étonna de ma réponse négative car il me considérait comme une femme ouverte et libre. Je lui répondis que ce n'était pas une raison pour me donner à "n'importe qui". Ce terme le choqua car il le prit de façon péjorative. Je le comprends. J'aurais dû dire "à tout le monde". Bref, la soirée était un peu gâchée pour moi. Et pour lui aussi j'imagine.

Plus tard, pour me prouver qu'il n'était pas "n'importe qui", il m'écrivit une lettre accompagnée de photos de lui en tenue d'Adam, la tête coupée, mais ... le dard dressé !!! Beaucoup n'auraient pas répondu, mais j'avais conscience de l'avoir blessé et je voulais m'en expliquer. Un organe fonctionnel ne me suffisait pas pour m'attirer. Les sentiments comptaient également. Il s'excusa et changea d'attitude. Mais je ne répondis plus à ses propositions de "rencontre".

En l'entendant au bout du fil avant-hier, je me suis méfiée, mais il se comporta normalement ou presque. Je ne savais pas trop quoi lui dire, du coup je pris des nouvelles de sa santé qui lui avait causé du souci. Il fit allusion à son comportement de l'époque, précisant qu'il avait évolué. Bien ! D'ailleurs, il était très évolué, ajouta-t-il. Ça me fit sourire. Au blanc suivant, j'exprimai mon étonnement à l'égard de cette reprise de contact après tout ce temps ! 32 ans ! Il me demanda si ça me faisait plaisir. Non, ça ne me réjouissait pas particulièrement, mais poliment, je lui répondis que ce qui me faisait plaisir (ce qui était vrai) c'est qu'il semblait serein. Il acquiesça et ne releva pas le fait que j'aie éludé sa vraie question.

À mon soulagement, il écourta la conversation car des gens arrivaient chez lui qu'il n'avait plus vus depuis 30 ans. À mon avis, il avait sorti un vieux carnet d'adresse et faisait le tour de ses anciennes connaissances pour mettre un peu de vie dans son existence tristounette d'hémiplégique.

Le lendemain matin, le voilà à nouveau au téléphone. Il s'excusait d'avoir dû abréger la veille et me rassura, il n'allait pas me téléphoner à tout bout de champs. Il n'aurait plus manqué que ça ! Il fit allusion à son attitude passée et me fit remarquer qu'il avait respecté mon refus. Il me demanda quand même en s'excusant, si j'étais en couple. Tiens tiens !

Je lui demandai comment il passait ses journées (il est en chaise roulante). Il m'expliqua alors qu'il lisait beaucoup. C'était pour conserver ses capacités intellectuelles. Il avait écrit des nouvelles et avait fait partie d'un club d'écriture. Il était passionné d'orthographe et de romans de guerre et de résistance. Il me parla de Jean Rostand qui était selon lui le frère d'Edmond Rostand. Après vérification, il s'avère que le premier est le fils du second et non le frère. Il se fait que j'avais lu assez récemment un livre du fils, je pouvais donc étaler ma culture et montrer ma super intelligence. LOL. Il se vanta encore de diverses manières et je me disais que je n'avais décidément pas d'affinités avec ce genre de personnage. Il pensait que j'étais moi-même très intelligente et que nous pouvions échanger sur des sujets intéressants. J'ai fini par invoquer la nécessité de m'occuper de la préparation du repas pour mettre fin à cet échange qui n'en finissait pas. Il me retint encore un peu malgré tout. Et en finale, il me proposa de m'adresser à lui si je me posais des questions. Ça me fit rire intérieurement. J'avais internet pour m'informer, ça me suffisait. Il se promettait de me retéléphoner de temps en temps. Aïe ! De temps en temps ? C'est vague. Et de toute façon, avais-je réellement envie de ça ? Je ne crois pas.

La question maintenant est la suivante : comment vais-je le lui dire, sans trop le blesser ?

17/08/2022

le bazar

En pleine réflexion ... existentielle ? Peut-être ... sans doute ... mais à vrai dire, c'est un peu la confusion ... l'impression de ne pas comprendre grand-chose ... de ne pas être dans la norme ... sans vraiment savoir quelle est cette norme ... de ne pas avoir intégré les règles de base. Faire ou ne pas faire ... dire ou se taire ... intervenir ou laisser aller ... si toutefois elles existent, ces règles ... le bazar quoi ... dans ma tête comme dans ma maison ...

L'origine de mon questionnement est diversifié. De ma perplexité plutôt. Mais quelque chose l'a mise en évidence. Un livre de Françoise Mallet-Joris. J'avais lu "La maison de papier" quand j'étais jeune. Je sais que je l'avais aimé, sans plus savoir de quoi ça parlait. Internet m'a rappelé que c'est elle qui a également écrit "le rempart des béguines" dont j'ai vu le film en son temps. Cette fois, je suis tombée sur "Allegra" (en seconde main dans mon magasin préféré). J'ai beaucoup apprécié.

Pas d'ordinateurs dans ce roman. Ni téléphone cellulaire. Pas de monde virtuel. C'était une autre époque. Mais la technique n'a rien changé aux relations familiales et autres qui étaient déjà ce qu'elles sont toujours aujourd'hui. Complexes, à la fois soutenantes et protectrices. Mais aussi castratrices et destructrices. Le roman tourne autour des interactions au sein de 3 générations. Pressions morales, besoin de liberté, fidélités, infidélités, introspection, déni, peur du jugement, etc. Bref, les paradoxes, les contradictions, les peurs et tout le fatras de sentiments clairs ou diffus qui anime tout.e humain.e. Qui m'anime donc moi aussi, plus spécialement en ce moment.

Rien de grave ...

21/07/2022

ambivalence

Sur ma terrasse, les ruines d'un clapier attendaient depuis pas mal de temps que quelqu'un ait le courage de les évacuer. Ce matin, je m'y suis mise. Après avoir ramassé les parties les plus imposantes, il restait à terre des débris plus petits, mélangés à des feuilles et fleurs mortes. Laly est allé fureter par là assez longuement. Je ne me suis pourtant pas préoccupée de savoir ce qui pouvait l'intéresser à ce point. Quand elle s'est éloignée, c'est Mika qui est venue renifler le même endroit. Cette fois, je me suis posé des questions et je suis venue voir à mon tour. Et là, j'ai découvert une minuscule petite chose vivante, nue, rose, aveugle qui agitait doucement les pattes et ouvrait son minuscule museau, le refermait, le rouvrait ... Qu'allais-je faire ? Était-ce bien une souris, comme je l'imaginais ? D'abord la photographier, ensuite réfléchir. Je n'allais quand même pas faire 10 kilomètres à vélo pour l'amener au centre de revalidation des oiseaux et petits animaux sauvages de ma région ?! D'abord il fallait la sauver des crocs de mes 2 molosses de pacotille qui tout compte fait ne lui avaient pas fait de mal jusque là. Trouver d'où elle venait me paraissait mission impossible. Peut-être qu'en arrachant les herbes envahissantes, j'avais dérangé le nid et ramené cette crevette sur la terrasse. Le mieux c'était donc de la remettre dans les environs. La maman allait pouvoir retrouver son petit. IMG_20220720_085139.jpg

Mon mari me téléphone. Pendant qu'on se parle j'aperçois, devinez quoi ? Une souris qui quadrille à toute vitesse l'endroit où j'ai trouvé son bébé. Oh, merde ! J'aurais donc mieux fait de le laisser là ! Je la vois disparaître sous les débris de planchettes et je comprends que c'était là son nid. Je la laisse chercher sans bouger. Elle finirait sans doute par agrandir le cercle de ses recherches. Tout à coup, je la vois attraper quelque chose et s'éclipser à toute allure. Il y avait apparemment un deuxième bébé. Ensuite elle revient courir en tout sens, nord, sud, est, ouest. Mais elle ne trouve plus rien.

Je vaque à mes occupations pour ne pas déranger ses recherches  et un peu plus tard, maman souris partie, je vais voir dans les plantations. Le bébé n'est plus là. Cool ! La maman l'a retrouvé !

J'étais toute attendrie et rassurée. C'est alors que l'ambivalence de mes réactions m'est apparue. Quand les souris viennent ronger mes patates, je râle. Mais quand une maman souris perd son petit, je m'empresse de l'aider à le retrouver.