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28/07/2019

Marcel (1)

Au début, Marcel refusa mon aide. Il aurait voulu qu’on s’occupe de lui au sein même de la maison de retraite, dès qu’il le demandait. Il sollicitait beaucoup le personnel, l’assistante sociale notamment, qui commençait à se lasser. À défaut d’obtenir qu’on réponde à ses appels immédiatement, il finit par accepter mes visites hebdomadaires.

Je suis allée le voir pour la première fois le 25 avril 2019.

La semaine suivante, il avait oublié mon prénom, Catherine (prénom d'emprunt). Pour l’aider à se le rappeler, je lui ai suggéré de penser à l’actrice Catherine Deneuve. Il m’a rétorqué, non sans humour : « Oh non, alors j’aurais 2 noms à retenir  ! » Il s’est cependant toujours souvenu de mon prénom par la suite.

Après quelques rencontres, je lui ai demandé si ça lui convenait toujours que je vienne le voir et s’il désirait continuer. Il m’a répondu que ça l’aidait beaucoup, mais m’interrogeait sur mon envie à moi ? Je l’ai assuré que je le faisais avec plaisir. « Dans ce cas, je suis content moi aussi », a-t-il ajouté.

Que faisons-nous donc chaque jeudi pendant une heure ? Quelle est ma « mission » ? L’animatrice qui m’avait interpelée pour cette intervention m’avait prévenue que ce ne serait sans doute pas toujours facile. Il était assez exigeant et j'aurais beaucoup à lui rappeler les mêmes choses. Ayant pensé à moi du fait de ma patience, elle espérait néanmoins que je pourrais l’aider à se sentir moins perdu. En effet, étant donné sa vue fort défaillante, il ne maîtrisait plus certaines situations vu qu’il était incapable de réexaminer les documents, les classer, etc. Il perdait le contrôle et ça l’angoissait. Il fut convenu que je lui consacrerais une heure par semaine.

Les premières fois, je les ai passées à lire et relire, feuille après feuille, tout le contenu de ses dossiers. Cela allait des factures en tout genre au décorations militaires, dont il était assez fier, en passant par le projet de faire-part de son propre décès, tel qu’il voulait qu’il soit rédigé. Il me demandait aussi d’examiner les publicités de chez Carrefour et les tickets de caisse, pour savoir combien de points il avait gagné et de quelles réductions il pouvait bénéficier.

Qu’il avait été militaire, on me l’avait dit avant que je ne le rencontre. Il avait aussi été contrôleur des contributions. Ces deux choix professionnels ajouté à son caractère apparemment autoritaire m’avaient donné une idée un peu caricaturale du personnage.

Je me demandais, au début, s’il n’avait pas surtout besoin de parler, mais il s’avéra qu’il ne parlait jamais longtemps et se replongeait rapidement dans ses papiers. C’était réellement un stress pour lui. La peur d’oublier notamment. Petit à petit cependant, le tour de ses paperasses ayant été fait plusieurs fois, nous avons bavardé de plus en plus.